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Funny Madness
13 novembre 2010

gens de Dublin

dead_posterTitre original : the dead
Genre : goodbye, so soon
Réalisation : John Huston
Scénario : Tony Huston
Casting : Anjelica Huston, Donal McCann et Dan O’Herlihy
Photographie : Fred Murphy
Musique : Alex North
Durée : 1H23
Sortie : 13/01/1988
Note : 9.5/10

Dublin, janvier 1904. Comme tous les ans, les soeurs Kate et Julia Morkan ainsi que leur nièce Mary reçoivent leurs proches et amis pour célébrer l'Epiphanie. Parmi eux se trouvent Gabriel Conroy, le neveu des soeurs Morkan, et sa femme Gretta. Au gré des poèmes gaëliques, des chants, des danses et des plats qui se succèdent, les convives entretiennent de joyeuses conversations de salon et commencent à évoquer les chers disparus, célèbres ou inconnus...

dead_1

Il est souvent triste de voir que les cinéastes que nous avons appréciés ont des fins de carrière peu satisfaisantes. Ayant réussi à offrir chefs d’œuvres et autres opus passionnants au cours de leurs carrières, il est souvent triste de devoir constater que certains grands noms se ramasseront lamentablement la gueule lorsque le temps de la retraite est venu. Bien sûr, plusieurs raisons peuvent être à l’origine de cette ultime débandade. Prenez Sam Peckinpah et son osterman week-end. En voilà, une fin de carrière prometteuse où Bloody Sam avait trouvé le sujet parfait pour dire tout ce qu’il pense du monde actuel avant de tirer sa révérence. Manque de pot, les producteurs n’en avaient rien à foutre de son avis et voulait juste qu’il exécute son boulot proprement. Le résultat donnera une œuvre longuette et balourde où les ambitions de Peckinpah arrivent tout juste à surnager. Un sort quand même plus enviable que celui de Richard Fleischer. Le responsable de 20 000 lieues sous les mers et l’étrangleur de Boston tombera dans l’escarcelle du producteur nabab Dino de Laurentiis. Ce dernier ne lui offrira que de pauvres sous-produits tels que les pathétiques Amityville 3 et Kalidor. Et que dire de Michael Cimino ? Le grand réalisateur de la porte du paradis et de l’année du dragon s’est tellement laissé dévorer par ses ambitions qu’il ne trouvera plus la possibilité de s’exprimer qu’au travers d’œuvres mineures. Malgré tout son talent, il peinera à tirer vers le haut des desperate hours et autres sunchaser. Même si ils ont encore quelques années devant eux, difficile de croire à regain d’inspiration de réalisateur comme Brian de Palma, Dario Argento ou Oliver Stone qui n’ont fait que signer ces dernières années des œuvres sans grande inspiration, recyclant les acquis de leurs coups d’éclats passés. Heureusement, il y a des contre-exemples à cette mode de la fin de parcours sénile. Il existe des cinéastes qui ont su éviter de renverser le flacon d’encre en achevant leur livre d’or et y mettre brillamment un point final. C’est le cas de John Huston avec gens de Dublin dont le titre original (the dead) est au combien plus évocateur.   

Les seules conditions de tournage de l’ultime film du réalisateur du faucon maltais et de l’homme qui voulut être roi sont extraordinaires. Huston a 80 ans et il sait que ces jours sont comptés lorsqu’il se lance dans la production de gens de Dublin. D’ailleurs, il décèdera 4 mois avant la sortie en salles. Il faut dire qu’il n’avait guère d’espoir à avoir quant à sa situation. Huston ne peut plus que se déplacer en fauteuil roulant et sous assistance respiratoire pour ne rien gâcher. Mais ce ne sont pas ses déficiences physiques qui vont empêcher Huston d’être à la mesure de sa légende. Le tournage de cette ultime long-métrage l’est d’ailleurs, légendaire. En dépit de sa santé déclinante, Huston mena la production d’une main de fer et à un rythme tellement frénétique que le casting eu bien du mal à suivre le maître. Le mythe veut même qu’il avait encore assez d’énergie pour culbuter son infirmière pendant le tournage. Réalité ou fantasme ? Qu’importe, ces conditions de tournage restent suffisamment peu orthodoxes pour laisser augurer un grand film. Et effectivement, gens de Dublin est un film unique. 

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Dans amis américains, Quentin Tarantino déclarait ne pas pouvoir respecter et apprécier John Huston parce qu’il ne pouvait pas avoir confiance en lui. Comme principal argument, le réalisateur de pulp fiction avançait que Huston revendiquait trop de passions annexes par rapport au 7ème art et n’a jamais cherché à se poser comme un pur cinéaste. Il concluait le chapitre en qualifiant Huston de macho plus intéressé à tuer les éléphants qu’à faire de l’art (il évoque là bien sûr le tournage d’african queen que Clint Eastwood immortalisera dans le chef d’œuvre chasseur blanc, cœur noir). Difficile de partager le si triste jugement de Tarantino surtout après avoir vu un film comme the dead. Contrairement donc à ces réalisateur prestigieux finissant leurs carrières à bout de souffle sur des opus miséreux, Huston va pour ses derniers mois d’existence sur terre utiliser le 7ème art afin de concevoir son testament. Adaptation d’une nouvelle de James Joyce, the dead est une œuvre jetée à la face du monde où il a en effet tout le loisir d’exprimer ses ultimes sentiments avant de devoir se retirer.

Toujours dans amis américains, Bertrand Tavernier rapportait avec émotion comment Huston l’avait chaleureusement félicité lorsqu’il a reçu le prix de la mise en scène à Cannes pour le très beau un dimanche à la campagne. On peut se demander jusqu’à quel point Huston a été marqué par le film de Tavernier tant les deux projets semblent entretenir de points communs. C’est comme si Huston avait vu à travers le Tavernier le parfait moyen d’expression pour une épitaphe filmique. Le canevas est d’ailleurs assez similaire. Un groupe de personnage se retrouve réuni pendant un certain laps de temps. Enthousiasmés de se retrouver ensemble pour cet éphémère rencontre, ils font échanger et partager de petits instants qui débouchent au bout du compte sur une explosion d’émotion liée à la vie. Sauf que si le parfum de la mort s’invite dans un dimanche à la campagne, the dead revête un habit funèbre incroyablement plus mortifiant. A l’approche imminente de la fin, l’investissement de Huston dans ce projet est total. Il s’agit certes d’un projet personnel dans le sens qu’il en a confié l’écriture à son fils Tony et qu’il y fait jouer sa fille Anjelica. Mais on dépasse largement ce simple cadre. Au cinéma comme en littérature, on nous apprend qu’il faut toujours bien dissocié l’auteur de ses personnages. Ça n’est pas parce qu’un personnage tient un certain discours idéologique que cela veut dire que l’auteur l’a partage. Ce dernier peut ne s’en servir qu’au regard de ses nécessités narratives. Dans le cas de gens de Dublin, on est justement troublé parce que cette séparation entre l’auteur et ses personnages est fortement brouillée. On aura en effet rarement eu cette impression si poussée de voir un réalisateur s’exprimer à travers l’intégralité de ses personnages. Huston semble s’incarner dans chacun d’entre eux et chaque dialogue semble sortir tout droit sortir de sa bouche.

N’en déplaise à Tarantino mais une telle utilisation du cinéma pour exprimer son adieu au monde, ça ne peut être que la marque d’un grand artiste. Et c’est ce qui rend si particulier ce the dead dont l’art est traversé par une telle authenticité qu’on ne peut en ressortir que dévasté.

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  • Funny Madness n'a qu'une ambition : l'exploration de ma passion pour le cinéma. Comme le laisse entendre le titre du blog, j'affectionne les paradoxes et la manière dont je parlerais reflèteront ce désir d'assimiler autant de chef d'oeuvre que de navet.
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